La saison des festivals d’été s’est ouverte en présence d’un invité indésirable : l’épidémie de covid-19 est repartie en juin sur des bases stratosphériques, avec des nombres de cas quotidiens détectés qui dépassent désormais la barre des 100 000 depuis plusieurs jours. Un chiffre qui sous-estime sans doute la réalité.
« En extérieur, des risques au moins dix fois plus faibles »
Les festivals, où toutes les mesures de restriction sont levées, vont-ils, dès lors, se transformer en clusters géants ? Voire en lieux de superpropagation capables, à eux seuls, de changer la trajectoire de l’épidémie ? Chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes, l’infectiologue Pierre Tattevin, se montre plutôt rassurant : « Les festivals en plein air sont beaucoup moins à risque que toutes les activités en intérieur, comme, par exemple, les transports en commun ». Même en cas de contacts rapprochés, le vice-président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) assure que « la circulation de l’air fait que la charge de virus qu’on peut respirer est beaucoup moins importante : en extérieur, les risques sont au moins dix fois plus faibles qu’en intérieur ».
Selon lui, de « petits clusters » pourraient néanmoins apparaître sur les prairies des festivals, mais il semble « peu probable » qu’un seul évènement fasse exploser l’épidémie à la manière du rassemblement religieux de Mulhouse, en intérieur, à l’hiver 2020.
Le seul festival-test de France annulé en 2021
Les données scientifiques manquent toutefois, sur l’impact précis que peuvent avoir des évènements festifs en extérieur en matière de covid. En France, les concerts-tests, aux résultats très encourageants, ont été réalisés en intérieur, avec tests négatifs à l’entrée et port du masque, « à des moments où le virus circulait peu », signale Pierre Tattevin. Le projet d’expérimentation qu’il chapeautait début 2021, avec l’équipe du No Logo BZH, près de Saint-Malo, est, lui, tombé à l’eau : « Pour des raisons qu’on n’a pas très bien compris, on n’a pas obtenu le financement et le feu vert du ministère de la Culture, alors que celui de la Santé était très intéressé », regrette l’infectiologue breton. « C’est dommage car on aurait pu rassurer les organisateurs et peut-être les guider sur les efforts à faire en identifiant les quelques transmissions qui auraient eu lieu ».
Une relative sérénité plane malgré tout au-dessus des festivals qui se déroulent en ce premier week-end de juillet. « On est plutôt rassurés par le fait d’être en plein air », indique Yoann Réhel, coprésident de l’Armor à sons, à Bobital (22). Il constate toutefois les premières absences parmi les bénévoles, contaminés ou cas contact, « mais ça reste minime ». La crainte des organisateurs concerne davantage le mystérieux phénomène des piqûres. Pour y répondre, le festival costarmoricain a dégainé un arsenal de sécurité « renforcé » avec la présence d’un médecin et d’infirmiers. Concernant la covid, Yoann Réhel dit suivre « à la lettre ce que nous impose le protocole, qui, certes, est plus mesuré ».
« Pas de risque de réduire les jauges »
Le ministère de la Culture ne semble, en effet, pas avoir envie de brider les festivals, fragilisés par deux ans et demi de pandémie. Samedi, de passage au Hellfest, à Clisson (44), la ministre Rima Abdul Malak a appelé les festivaliers « à la vigilance », avant d’affirmer que « pour autant, on est vacciné en France ; normalement, on n’a pas de risque de remettre de contraintes ou de réduire les jauges. Les festivals de cet été vont, si tout se passe bien, se passer dans de bonnes conditions ».
Sur les réseaux sociaux, pourtant, des témoignages de contaminations pendant le Hellfest, pullulent. Pas une surprise, compte tenu de l’affluence gigantesque : 500 000 spectateurs du 17 au 26 juin. Le boss du festival, Ben Barbaud, y a répondu avec un certain fatalisme, lors d’une conférence de presse : « C’est une maladie avec laquelle on va être obligé de vivre », a-t-il affirmé, tout en précisant avoir, un temps, imaginé des points pour contrôler ou tester les festivaliers : « Mais le monde a repris sans ces contraintes ». « Il va falloir qu’on s’organise pour le prendre en compte », a-t-il finalement convenu.
Conseils aux festivaliers
Pour s’éclater jusqu’au bout de la nuit, tout en réduisant les risques de contaminations, Pierre Tattevin livre quelques conseils : « Une des règles de base est que les personnes malades la veille ou l’avant-veille fassent un test antigénique et aient l’honnêteté de ne pas se présenter s’il est positif, afin d’éviter d’introduire le virus dans le festival. Sur place, en extérieur, je pense que le risque est suffisamment faible pour faire la fête et profiter. Mais mieux vaut ne pas partager de gobelets et garder un masque dans sa poche si on doit, par exemple, se rendre dans un endroit fermé et confiné ». Car même si de jeunes festivaliers ont peu de risque de faire des formes graves, « il va forcément y avoir des transmissions vers des personnes plus âgées ».