A la nuit
Depuis le 10 mars, et après presque trois ans de fermeture, les amateurs du Tango peuvent de nouveau fouler le dancefloor en parquet de la mythique boîte de nuit gay du 3e arrondissement de Paris. Les confinements successifs, puis l’annonce de la mise en vente de l’établissement, début 2021, ont bien failli avoir raison de la « boîte à frissons ». C’était compter sans le soutien de la Mairie de Paris, qui a racheté l’immeuble pour 6,7 millions d’euros afin de sauver l’un des plus vieux dancings du Marais. Mis à part un bar rénové, les habitués retrouveront une salle « dans son jus, avec ses vieilles banquettes », glisse Hervé Latapie, tenancier historique du Tango, « très ému » par la réouverture de la discothèque.
A toutes les sauces
Le 11-13 de la rue au Maire est de ces lieux qui ont connu mille vies. D’abord cabaret en 1725, il s’y érige une barricade pendant la révolution de 1848. A la fin du XIXe siècle, la salle devient le siège social de la Cabrette, union corporatiste de musiciens auvergnats, avant d’être transformée en bal musette, en 1896. Des réunions de brocanteurs, de gardiens de cimetières et autres allumeurs de réverbères continuent de s’y tenir régulièrement. C’est dans l’entre-deux-guerres que ce lieu festif et populaire connaît son âge d’or. Dans les années 1980, le roi de la nuit parisienne Serge Kruger transformera le Tango en discothèque où le public, désormais latino et antillais dans sa grande majorité, vient s’encanailler lors de soirées salsa et africaines.
A pleins tubes
Lorsque, à 63 ans, Hervé Latapie, reprend l’établissement, en 1997, cet activiste LGBT, alors professeur de sciences économiques et sociales, renoue avec l’histoire du lieu : « Je voulais faire un bal gay musette et retrouver l’esprit du bal populaire à la française. » Grand amateur d’accordéon, il a la musique techno en horreur et met les danses de salon à l’honneur en première partie de soirée… avant de laisser place, à mesure que la nuit avance, à une playlist plus éclectique, « avec des tubes de toutes les époques ». Boîte « décalée », faussement ringarde, le Tango d’Hervé Latapie accueille tout le monde : gays, lesbiennes et hétéros. « La nuit, c’est important, assure-t-il. Les gens se lâchent, s’oublient, se confient… c’est en dehors du temps. »
A la merci du bailleur
Outre les folles soirées du week-end, ce nouveau Tango accueillera « des fêtes associatives et des événements en semaine », précise Hervé Latapie. Ces débats, spectacles et thés dansants « pour les couche-tôt » sont rendus possible par la reprise de l’exploitation sous forme de collectif associatif : « On est désormais libres de faire ce que l’on veut sans rendre de compte à un propriétaire. » Seule ombre au tableau : l’épreuve de force engagée avec le bailleur, qui prévoit de transformer les étages supérieurs du bâtiment en logements sociaux. Le Tango devrait donc refermer provisoirement ses portes fin 2024 pour rénovation, laissant à Hervé Latapie quelques mois pour « convaincre la Mairie qu’il existe des alternatives pour que cet immeuble ne soit pas totalement transformé ».
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