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Retard

Spectacles annulés : la Fnac tarde à rembourser

Déconfinementdossier
France billet, la filiale de vente de tickets du distributeur, est critiquée pour sa lenteur à rembourser les concerts annulés ou reportés à cause de la crise sanitaire.
par Franck Bouaziz
publié le 2 juillet 2020 à 20h10

«Nous sommes baladés depuis plusieurs mois et nous sommes face à une mauvaise foi totale.» Jules Frutos, producteur de spectacles et directeur général du tourneur Alias production, est remonté. Comme nombre d'organisateurs de concerts et de festivals, il en a après France billet, filiale de la Fnac et numéro 1 sur le marché de la vente de tickets de spectacles. Depuis que toutes les scènes de France ont été fermées le 16 mars, distributeurs et producteurs ne s'entendent plus.

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Ces derniers reprochent à France billet de ne pas rembourser les milliers de clients qui ont acheté un ticket pour un concert annulé ou reporté pour cause de crise sanitaire. «L'image des artistes que nous produisons est impactée par cette attitude. Ils sont en effet mis en cause sur les réseaux sociaux», constate, agacé, Aurélien Binder, directeur général de Fimalac entertainment, le pôle spectacle de l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière. «J'ai eu une discussion avec les dirigeants de France billet, ils n'arrêtent pas de reculer la date à laquelle les remboursements seront effectifs», indique le directeur général d'AEG, Arnaud Meersseman, qui organise notamment les six concerts de Céline Dion qui ont dû être reprogrammés au printemps 2021.

Banques du show-business

En temps normal, les quelque 180 producteurs et salles de spectacle de France commercialisent leurs tickets via trois sociétés de distribution : Digitick (Vivendi), Ticketmaster (Live Nation) et France billet. Le distributeur prélève un droit de location de 8 à 10 euros par billet vendu pour rémunérer ses services. Un business plutôt lucratif, compte tenu des dizaines de milliers d’événements culturels organisés chaque année dans le pays.

Ces trois entreprises ne se contentent pas d’assurer la vente de tickets. Elles gèrent en effet une énorme trésorerie. La venue de Céline Dion en France représente 15 millions d’euros de recettes. France billet et ses deux concurrents sont progressivement devenus les banques du show-business. Ces sociétés accordent des avances aux producteurs sur leurs prochains spectacles afin que ceux-ci puissent réserver des salles pour leurs futurs événements. La crise sanitaire les a donc privées de fonds dont ils sont in fine propriétaires, au moment où, selon une étude du cabinet EY financée par le syndicat professionnel des producteurs, les opérateurs de spectacle auraient perdu 1,8 milliard d’euros depuis mars.

«Relation de confiance»

En quelques mois, les commentaires peu amènes sur l'attitude de France Billet se sont multipliés sur Internet. Les producteurs, après avoir fait preuve de politesse, ont changé de ton. Ils ont adressé des mises en demeure et n'excluent pas des poursuites judiciaires. Leur organisation professionnelle, le Prodiss, s'apprête s'émouvoir publiquement de l'attitude et des décisions de France billet «qui fragilisent la relation de confiance entre les organisateurs de spectacle et le public».

L'affaire est remontée jusqu'au ministre de la Culture, Franck Riester. Son cabinet indique à Libération qu'il «suit la situation avec vigilance et sera attentif à ce que les remboursements soient effectués dans les règles». Lorsqu'un spectacle est annulé, ou reporté, le consommateur doit en effet pouvoir rentrer dans ses frais dans des délais acceptables. Libération a tenté de joindre le porte-parole de la Fnac ainsi que le PDG de France billet, sans succès. Le 30 avril, la Fnac indiquait qu'elle mettait en place une «interface de remboursement effective le 10 mai». Le service a visiblement eu du retard à l'allumage.

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