Cet état des lieux servira de référentiel pour mesurer de manière régulière l’impact des changements en cours dans notre secteur sur la représentation des femmes parmi ses métiers. Celui-ci a été réalisé à partir de données produites ou commandées par le CNM, et complété de données de filières produites par d’autres organismes.
S’il est un domaine dans lequel le Centre national de la musique s’est engagé, sans attendre la fin de la crise du Covid, c’est bien l’égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales et la lutte contre les violences et harcèlements à caractère sexuel et sexiste (VHSS). Les premières Assises organisées au début de l’été 2021 avaient tracé la voie. La seconde édition, à Marseille, le 9 février 2023, doit permettre de mesurer le chemin parcouru et de creuser le sillon.
Mais soyons clairs : le combat pour l’égalité est une mission à renouveler sans cesse, ce qu’illustre malheureusement le dernier rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai pris connaissance avec consternation du constat sans appel dressé par le HCE, notamment sur la survivance de stéréotypes et sur l’augmentation des violences faites aux femmes. La situation est particulièrement préoccupante chez les plus jeunes, que l’on aimerait tant imaginer plus intolérants vis-à-vis des agissements sexistes.
En ce qui concerne la musique, qu’elle soit enregistrée ou live, les chiffres que nous rendons publics à l’occasion de ces Assises montrent que la marge de progression est considérable, dans les programmations, dans les projets artistiques, dans les postes de responsabilités. Le constat avait déjà été tiré par le CNM en 2021 s’agissant des femmes dans les festivals. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la filière qu’il faut continuer à observer et le baromètre que nous installons permettra de faire des points réguliers.
Le monde de la culture et notamment de la musique a un rôle très important à jouer, car il y va de la représentation, des symboles, des mots. Et aux textes d’exclusion, de stéréotypes, de violences, qui ne sont malheureusement pas rares, on préfère tellement un Grand Corps Malade décrivant sans contrefaçon les 24 heures de la vie d’une femme… Certes, le sujet est d’autant plus difficile que sont en jeu la liberté de création et la liberté d’expression. Mais ce constat ne saurait en aucune manière justifier une quelconque passivité, car il s’agit d’un virage culturel à prendre, pour toute la filière. Et le Centre national de la musique, avec ses moyens d’action, financiers et non financiers, avec la force et la légitimité que lui donne la « concertation permanente » mentionnée dans la loi du 30 octobre 2019 qui l’a créé, entend bien continuer à mobiliser tous les leviers dont il dispose.
Depuis les dernières Assises, il y a dix-huit mois, l’action n’a pas connu de relâche et l’égalité entre les femmes et les hommes est toujours tout en haut des priorités du Centre national de la musique.
Première avancée, depuis le 1er janvier 2021, les aides du CNM sont conditionnées au respect d’un protocole de prévention des VHSS. En 2022, nous avons fait les comptes et force est de constater que les engagements pris ont été trop peu suivis d’effet : seules 23 % des structures soutenues en 2021 se sont formées. C’est bien trop peu et il est important que nous fassions collectivement évoluer ce chiffre. Le déclaratif ne suffisant pas, nous avons donc durci le mécanisme : depuis le 1er janvier 2023, c’est l’affiliation même au CNM, préalable nécessaire à toute demande d’aide, qui est conditionnée à la présentation d’une attestation de fin de formation. Sans celle-ci, il sera tout simplement impossible de remplir un dossier de demande, sans même parler d’octroi de l’aide.
Sur le budget pour l’égalité femmes-hommes, l’effort se poursuit en faveur des projets d’intérêt général qui œuvrent pour plus d’égalité, de visibilité, de prévention et d’accompagnement des femmes dans nos métiers. Depuis 2020, le CNM a soutenu 229 projets en faveur de l’égalité FH, pour un montant total de 3 390 000 euros. Le budget a continué à augmenter et le temps (janvier 2020 !) où la commission compétente disposait de moins de 300 000 euros est révolu : après 638 000 euros en 2020, 1,2 M€ en 2021 et 1,5 M€ en 2022, nous avons voté un budget de 1,65 M€ en 2023.
Troisième avancée majeure, l’incitation à faire plus de place aux femmes dans les projets d’enregistrement. Toujours après une large concertation (merci aux membres du comité stratégique qui prépare les travaux de nos instances !), un dispositif de bonification des projets incluant des femmes dans les plateaux artistiques, dans les équipes techniques, en direction artistique notamment, a été adopté pour les projets
en musiques actuelles et musiques classiques et contemporaines. Certains projets ont vu leur aide financière majorée de 20 % de bonus. Un bilan sera fait en 2023 et une extension à d’autres aides, à la création et la production, dans le live mais aussi dans l’édition musicale sera envisagée.
Enfin, le CNM ne se cantonne pas aux financements des projets et des entreprises mais propose un large accompagnement non financier des professionnels. Deux formations ont été inscrites au catalogue du CNM, l’une sur la prévention des VHSS et l’autre sur une approche plus égalitaire des projets, et ces formations ont rencontré un réel succès, ce qui montre l’intérêt des pros… et l’ampleur de la tâche. Nous allons continuer !
Pour conclure, je me réjouis de constater certaines évolutions qui caractérisent une prise de conscience croissante et absolument nécessaire, au CNM mais aussi au sein de la filière, à travers des initiatives qui déboucheront sur des actions et des résultats. Cette deuxième édition des Assises, à Marseille, au Conservatoire national à rayonnement régional Pierre Barbizet, établissement de l’INSEAMM, très cher à mon cœur marseillais, y contribuera et je remercie tous les participants, toutes les participantes et nos partenaires.
Jean-Philippe Thiellay
Président du Centre national de la musique