CNM » Dossier » Deezer, une licorne du « freemium » née en France

Deezer, une licorne du « freemium » née en France

Publié le

– mise à jour le



La gratuité comme porte d’entrée vers le payant – Accéder à un baladeur iPod virtuel depuis un simple navigateur web, c’est ce que permet, dès le mois de juin 2006, une petite application interactive baptisée Blogmusik qui va bouleverser, à elle seule, le paysage de la musique en ligne en France et très au-delà.



De l’été à l’automne, le journaliste Philippe Astor nous livre une série en huit épisodes sur l’histoire du streaming à travers ses entreprises pionnières. Une analyse riche et détaillée pour mieux comprendre comment ce marché s’est structuré, de ses balbutiements à aujourd’hui.

Retrouvez les autres épisodes :



Le concepteur de Blogmusik, Daniel Marhely, est un jeune autodidacte féru de nouvelles technologies et DJ à ses heures, qui a quitté l’école prématurément pour se lancer dans l’aventure du web. À 22 ans, le jeune geek, pour qui le langage HTML et les scripts PHP n’ont plus aucun secret, maîtrise déjà mieux que quiconque la technologie Flash de la compagnie Adobe Systems, qui permet d’intégrer des animations interactives à une page web. C’est sur elle qu’il s’appuie pour développer Blogmusik : un projet personnel sur lequel ce fan de musique planche depuis quelques mois, et dont il ne mettra que quinze jours à écrire le code !

Daniel Marhely dans le top 10 des jeunes innovateurs français du Massachusetts Institute of Technology

« J’indexe tous les fichiers MP3 qu’on peut trouver sur Internet, par l’intermédiaire de sources comme les agrégateurs de blogs MP3, que des petits robots visitent régulièrement », explique alors celui que le célèbre Massachusetts Institute of Technology, aux États-Unis, classera près de dix ans plus tard dans son top 10 des jeunes innovateurs français. À partir d’un lecteur audio intégré à une page web, qui reproduit le look and feel du baladeur iPod d’Apple, l’utilisateur de Blogmusik peut effectuer des recherches dans la base ainsi constituée, et écouter directement les titres de son choix en streaming (c’est-à-dire sans avoir à les télécharger au préalable), ou les playlists qu’il peut créer à partir des résultats de ses requêtes.

Musique et web 2.0

Il devient bientôt possible, également, d’intégrer cet iPod virtuel à son blog ou à son site Web, et de mettre ainsi en ligne son propre jukebox. Le procédé n’est pas nouveau. Un autre jeune Français, Benoît Tersiguel, a développé dès 2003 un petit programme similaire écrit en Flash et en PHP, qui s’appelle Radio.blog. Radio.blog est le véritable initiateur de cette nouvelle vague de services web 2.0 dans la musique, qui s’appuient sur la mutualisation et l’agrégation de ressources accessibles par Internet, qu’il s’agisse de capacité de stockage, de bande passante ou de collections de fichiers audionumériques.

De nombreux blogueurs musicaux ont déjà adopté l’utilitaire Radio.blog.club : un bout de code Javascript qui leur permet d’intégrer un petit lecteur Radio.blog et sa playlist à leur blog. « Le site est visité par 15 millions de visiteurs uniques chaque mois, venant du monde entier. Et l’audience augmente régulièrement. Une centaine de « radioblogs » sont référencés chaque jour », confie son créateur à L’Expansion début 2007, quelques semaines avant qu’une injonction de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) ne lui impose d’en fermer provisoirement les portes.

Au-delà des obstacles juridiques, que la société Mubility créée par Benoît Tersiguel pour exploiter Radio.blog ne parviendra jamais à surmonter, plusieurs contraintes s’imposent aux utilisateurs du service : avant de pouvoir coller le script du lecteur audio dans l’habillage de leur blog, ils doivent télécharger et installer le logiciel idoine, puis lancer un utilitaire de conversion (en batch) de leurs propres fichiers MP3 dans un format plus léger le RBS (Rebirth Song File), en réalité du MP3 à 64 Kbits par seconde, puis enfin les envoyer sur leur propre serveur FTP (File Transfer Protocole) à partir duquel ils seront mis à disposition sur Internet.

Tout en bénéficiant de ce précédent de nombreux fichiers MP3 indexés par les robots de Blogmusik sur Internet sont en réalité hébergés sur les serveurs FTP des utilisateurs de Radio.blog, le petit lecteur audio conçu par Daniel Marhely s’affranchit de ces limites. Pour en tirer parti, il suffit de charger la page d’accueil de Blogmusik dans un navigateur web, d’effectuer une recherche par nom d’artiste ou par titre de chanson, et d’écouter ensuite la musique dénichée sur le web. Pas besoin d’être un utilisateur avancé d’Internet, de paramétrer son propre serveur FTP, ou de déjà disposer en amont d’une petite collection de fichiers MP3.

Logo du site radio.blog.club

Radio.blog s’engage dans un bras de fer, Blogmusik joue la partie plus finement

Blogmusik et Radio.blog ne sont pas les seuls services de musique web 2.0 qui verront le jour en France dans la seconde moitié des années 2000. Quelques mois plus tard, Thierry Rueda et Jean-Marc Plueger, deux entrepreneurs du web fondateurs de MusicOfThe.net, un agrégateur de blogs MP3 conçu sur le modèle de son homologue américain The Hype Machine, sabordent leur première initiative pour se lancer dans une aventure similaire, sous le nom de Jiwa. « Comme d’autres services, nous parcourons le web pour indexer les fichiers musicaux, nos utilisateurs pouvant les écouter en streaming et en illimité », expliquent-ils sur leur blog.

En exploitant les contenus disponibles sur Internet ou mis à disposition par leurs utilisateurs avant même d’avoir obtenu le moindre accord de licence, et en offrant des niveaux d’interactivité plus élevés qu’une simple webradio, ces nouveaux services web 2.0, qu’ils hébergent eux-mêmes ou non les copies d’enregistrements exploitées, mettent leurs ayants droit (auteurs, artistes, labels et éditeurs) devant le fait accompli. Ni la Sacem, ni des sociétés de producteurs comme la SPPF (Société des producteurs de phonogrammes français) ou la SCPP (Société civile des producteurs de phonogrammes), ne proposent encore des licences autorisant ces nouvelles formes d’exploitation des répertoires ou des catalogues de leurs membres.

Benoît Tersiguel, fondateur de Radio.blog, s’engage dans un long bras de fer avec les ayants droit qui sera fatal à son service : le site ferme définitivement ses portes en mars 2008, et son créateur, qui a refusé obstinément de se plier aux exigences de la Sacem et des maisons de disques, est condamné à payer 10 000 € d’amende et un million d’euros de dommages et intérêts en 2011 – après avoir été jusqu’à se pourvoir inutilement en cassation. Daniel Marhely, de son côté, va jouer la partie plus finement.

Blogmusik devient Deezer

Dès l’automne 2006, et alors qu’il commence à être dépassé par le succès d’audience de Blogmusik, qui propose déjà plus de 200 000 titres à l’écoute, le jeune entrepreneur du web se montre soucieux de se mettre en conformité avec la législation sur le droit d’auteur et les droits voisins. « J’ai obtenu un rendez-vous avec la Sacem et j’envisage de démarcher les maisons de disques », confie-t-il alors au blog Digital Jukebox. Il n’en est pas moins contraint de mettre lui aussi le site Blogmusik en berne dès le mois de mars 2007, sur injonction de plusieurs sociétés de gestion collective des droits de la musique, dont la Sacem.

Jonathan Benassaya et Daniel Marhely

Quelques semaines plus tard, Daniel Marhely, qui ne renonce pas pour autant, est rejoint dans son aventure par Jonathan Benassaya, un autre jeune entrepreneur français de retour de Chine, où il développait les activités d’une société spécialisée dans le in game advertising (publicité dans les jeux vidéo), qu’il vient de céder sur place. Les deux associés, dont les routes se sont croisées dans les couloirs de l’incubateur de start-up Paris Innovation, vont travailler de concert au développement d’une nouvelle version commerciale de Blogmusik, qui a pour ambition de mettre gratuitement à disposition du public, à des fins d’écoute à la demande, un catalogue de titres de musique hébergés de manière centralisée et licenciés en bonne et due forme par les labels et les maisons de disques.

« Nous avons pris la décision de mettre le site en berne afin de démarrer les discussions avec tous les ayants droit. Nous souhaitons toujours proposer un service de base gratuit aux internautes, qui sont de plus en plus friands de musique, en rémunérant les ayants droit par la publicité », confie Jonathan Benassaya au magazine Musique Info. Le concept de Blogmusik est celui d’un juke-box à la demande légal. « N’importe quel utilisateur pourra créer ses propres playlists, les partager, et écouter ce qu’il veut quand il veut », promet celui qui est désormais P-DG de Deezer. « Nous sommes en train de réfléchir à tout ce qui est mécanisme de pub sonore », ajoute t-il. « Nous devons trouver de nouvelles méthodologies de monétisation pour avancer. […] Notre challenge, aujourd’hui, est de convaincre les annonceurs qui ont l’habitude d’être présents sur un média comme la radio. »

Le duo Marhely-Benassaya attire très vite l’attention de Xavier Niel, fondateur de Free

Le duo Marhely-Benassaya, qui a rouvert le site Blogmusik au mois d’avril, attire très vite l’attention de Xavier Niel, fondateur du fournisseur d’accès à Internet Free. Il flaire une opportunité et investit 250 000 € dans la start-up contre 20 % de son capital. Elle n’a que sept mois d’existence, mais se retrouve valorisée 1,25 million d’euros. Son concurrent Neuf Télécom s’apprêtant, de notoriété publique, à lancer un service de téléchargement illimité sur abonnement à la rentrée, en partenariat avec la maison de disques Universal Music, le patron de Free met la pression sur les deux acolytes pour qu’ils bouclent leurs négociations avec la Sacem, trouvent un autre nom, et annoncent eux aussi, avec le soutien actif de Free, le lancement d’un nouveau service de musique en ligne légal.

Un accord de principe est conclu in extremis à la fin du mois d’août 2007 avec Catherine Kerr Vignale, alors membre du directoire de la Sacem en charge des négociations avec les nouveaux acteurs d’Internet. C’est une première. « Par cet accord, on jette les fondations du développement légal de la musique à la demande », déclare à l’AFP Jonathan Benassaya. Le site est relancé sous le nom de Deezer. Le succès est immédiat et le trafic explose. « Les dix jours qui ont suivi le lancement de l’offre ont sans aucun doute été les pires de ma vie. Nous n’étions absolument pas préparés techniquement, les serveurs plantaient, nous n’avions pas de locaux et nous n’étions même pas une dizaine », confie plus tard Daniel Marhely au magazine Décideurs.

Passé ce coup de feu, les fondateurs de Deezer, qui élisent domicile dans un appartement du 16e arrondissement de Paris mis à disposition par Xavier Niel, doivent encore convaincre les labels et les maisons de disques de les suivre, en capitalisant sur le précédent de l’accord signé avec la Sacem. Sony BMG est la première des majors de la musique en France à franchir le pas au mois d’octobre 2007, suivie par le distributeur numérique Believe et le label indépendant Because en janvier 2008. Le catalogue de Deezer franchit alors la barre des 1,5 million de titres, et l’audience du site, dont l’interface est disponible en seize langues, ne cesse de croître.

De quelques centaines de milliers de visiteurs uniques au mois d’août 2007, l’audience de Deezer est passée à 3,5 millions de visiteurs uniques dans le monde au mois de janvier 2008, annonce Jonathan Benassaya à l’occasion du Midem, le rendez-vous international de l’industrie musicale organisé chaque année à Cannes. « Je suis fier d’avoir été le premier à signer. Jonathan Benassaya et toute l’équipe de Deezer ont beaucoup d’ambition et une vraie vision de ce que pourrait être le marché de la radio numérique à la demande », confie alors Christophe Lameignière, PDG de Sony BMG France, dans les couloirs du Palais des festivals.

Depuis fin 2002, la crise du disque, qui a démarré aux États-Unis, frappe durement la France. En 2007, les ventes de CD et DVD ont encore reculé de presque 20 %. « Au cours de ces cinq dernières années, le marché physique a perdu 49,2 % de sa valeur », indique le SNEP (Syndicat national des éditeurs phonographiques) dans son bilan annuel rendu public lors du Midem 2008. C’est 640 millions d’euros de moins qui sont rentrés dans les caisses des labels et des maisons de disques en 2007 par rapport à 2002, année record qui a vu le chiffre d’affaires de l’industrie musicale en France atteindre 1,3 milliard d’euros. Malgré une croissance à deux chiffres (+ 17 %), le numérique, porté par les ventes de sonneries pour mobile et par du téléchargement payant sur Internet qui cannibalise fortement les ventes physiques de singles, ne pèse que 7 % du marché, et ne compense qu’à la marge les pertes qui s’accumulent par ailleurs.

Depuis le début de la décennie, le piratage est devenu endémique sur les réseaux peer-to-peer, qui permettent à des millions d’internautes d’échanger entre eux des titres de musique déjà numérisés, ou grâce aux moyens de copie comme les lecteurs et graveurs de CD qui se sont plus que démocratisés. En introduisant un modèle de monétisation de l’accès gratuit à la musique, Deezer incarne une alternative susceptible de détourner les internautes du téléchargement illégal, que les acteurs de la filière musicale sont disposés à expérimenter. C’est ce qui en fait l’une des vedettes du Midem 2008, qui consacre une de ses conférences professionnelles au « Free Music Business » (le marché de la musique gratuite). Jonathan Benassaya évoque « une réponse concrète au problème du piratage ». Mais les premiers doutes sur la pérennité du modèle s’expriment déjà sur la Croisette.

« Cette année, tout le monde dit que le modèle du futur est celui d’une rémunération publicitaire. Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’aujourd’hui, lorsqu’un titre est vendu 0,99 € sur iTunes, 70 centimes d’euro vont à la création. Pour un titre écouté sur un service financé par la publicité, cette rémunération est inférieure à un dixième de centime d’euro. Je vous laisse calculer le nombre d’écoutes nécessaire pour parvenir à une rémunération équivalente à celle de l’achat d’un titre en téléchargement », confie Denis Ladegaillerie, PDG et fondateur du distributeur numérique Believe, à deux vidéoblogueurs (Les Catalyseurs numériques) qui couvrent le Midem. Il met là le doigt sur le véritable changement de paradigme économique que constitue pour les labels et les maisons de disques le modèle du streaming.

Si la rentabilité de l’écoute à la demande financée par la publicité est loin d’être assurée pour les labels, qui voient leur retour sur investissement dans la production d’albums renvoyé aux Calendes grecques, elle n’est pas plus assurée pour une plateforme comme Deezer, qui ne diffuse pas encore de publicité audio, et dont le chiffre d’affaires publicitaire est loin de couvrir les coûts du copyright. « Je ne vois pas comment on peut financer le streaming audio à la demande avec de la publicité au CPM (coût pour mille affichages) », s’étonne Ludovic Leu, P-DG de MusicMe, un service de streaming musical français lancé en 2006, qui contrairement à Deezer a tout misé sur l’abonnement et peine à recruter des utilisateurs payants. « Mille affichages correspondent à mille écoutes, qu’il faut rémunérer entre 0,01 et 0,015 € l’unité en fonction des labels, soit 10 € HT au CPM. Or les sites web qui font le meilleur score sur le marché français de la publicité en ligne ne dépassent pas les 7 € HT au CPM », explique-t-il.

Bien que les accords de licence négociés avec les majors de la musique restent sous NDA (Non Disclosure Agreement), c’est-à-dire totalement confidentiels, leur nature commence à fuiter. Fin 2007, l’Américain Michael Robertson, fondateur de la plateforme d’hébergement Mp3.com, revendue à Vivendi Universal en 2001 pour 372 millions de dollars, dénonçait déjà, dans une tribune parue aux États-Unis, les exigences jugées « extravagantes » des maisons de disques à l’égard des plateformes de streaming gratuit : au-delà du partage des revenus publicitaires, elles exigent une rémunération minimale à l’écoute, avec des avances sur recettes colossales et non remboursables en cas de surplus, et bien souvent une participation « non diluable » dans le capital de la start-up, avançait-il.

Nous ne parvenons pas à recouper les avances consenties aux majors par l’exploitation qui est faite de leurs catalogues (…) Une écoute peut même nous coûter jusqu’à 10 centimes

Jiwa

« Les avances que nous devons verser pour chaque catégorie d’utilisation des catalogues sont fixées à la tête du client. Elles vont de 200 k€ à 500 k€ par an en fonction des majors », révèle Alexandre Marie, P-DG d’Apache Network, l’opérateur du service sur abonnement MusicMe, alors qu’un rapport commandé par le Gouvernement à Patrick Zelnick, dirigeant du label et distributeur indépendant Naïve, met l’accent, début 2010, sur la nécessité de faire toute la transparence sur ces pratiques contractuelles. Elles étranglent financièrement les nouveaux entrants de ce marché, dressent des barrières à l’entrée, et compromettent son développement, dénonce le rapport. Alexandre Marie cite le cas d’une major dont l’exploitation du catalogue sur MusicMe recouvre à peine 50 % des avances versées, dont le surplus n’est pas récupérable.

« Nous sommes très en deçà des capacités à consommer les très grosses avances demandées par certaines maisons de disques », confirme publiquement à sa suite Jean-Marc Plueger, P-DG de la plateforme de streaming française Jiwa. « À l’exception de celles d’Universal Music,[…] nous ne parvenons à recouper aucune des avances consenties aux majors par l’exploitation qui est faite de leurs catalogues. Nous mangeons notre chapeau avec toutes les autres. À tel point que dans le cas de Sony Music, une écoute peut nous coûter jusqu’à 10 centimes », confie-t-il au site Electronlibre.info. Il révèle alors que Sony Music réclame à Jiwa 400 k€ par an de revenus minimums garantis, contre 250 k€ pour EMI et 180 k€ pour Universal Music. Les exigences de Warner Music s’élèvent pour Jiwa à 100 k€ sur 18 mois.

Dans ces conditions, un acteur comme Jiwa, dont le chiffre d’affaires publicitaire ne couvre pas le tiers des minimums garantis annuels exigés, et qui a refusé toute prise de participation des majors dans son capital, est condamné. Le site, que ses fondateurs ont développé sur leurs fonds propres, ne parvient plus à payer ce qu’il doit aux maisons de disques. Il est mis en liquidation judiciaire dans le courant de l’été 2010. Les majors du disque assument. Interrogé sur le sujet des avances à l’occasion du Midem 2009, Pascal Nègre, P-DG d’Universal Music France, déclare sans ambage : « Je ne vois pas l’intérêt d’ouvrir l’accès à l’ensemble de notre catalogue si cela ne nous rapporte pas au moins 10 000 € par mois. »

Je ne vois pas l’intérêt d’ouvrir l’accès à l’ensemble de notre catalogue si cela ne nous rapporte pas au moins 10 000 € par mois.

Pascal Nègre

Christophe Lameignère, président du SNEP et P-DG de Sony Music France, enfonce le clou quelques semaines plus tard dans Musique Info, en déclarant : « On ne va quand même pas offrir les six millions de titres disponibles sans aucune garantie à n’importe quel péquin qui arrive et se dit : tiens, on a va faire un business, si ça marche tant mieux, sinon tant pis, je n’aurai pas pris de risques. » « II y a un coût d’acquisition du catalogue, c’est une matière première qui a une valeur, estime de son côté Christophe Soulard, porte-parole du MMFF (Music Managers Forum France). Si le business model des acteurs du web ne prend pas en compte ce coût, c’est une erreur. L’acquisition des droits n’est pas quelque chose qui se traite par dessus la jambe. »

En quête de cash à brûler

Pour faire face à ces exigences, Deezer, qui ne dispose pas des fonds nécessaires et commence à connaître ses premières difficultés financières, parvient à lever 4,8 millions d’euros auprès du fonds d’investissement français DotCorp Asset Mangement en octobre 2008. Créé un an plus tôt par les frères Jean-Emile et Steeve Rosenblum, cofondateurs du site de e-commerce Pixmania, dont ils ont cédé l’essentiel du capital pour 266 millions d’euros en 2006, DotCorp Asset Management détient désormais 24 % des parts de Deezer, dont la valorisation post-dilution a crû de manière exponentielle en l’espace de six mois, à hauteur de 20 millions d’euros.

Les fonds levés vont servir pour l’essentiel à payer des avances aux majors, qui ne seront pas recouvrables en cas de sous-exploitation des catalogues. Selon Le Figaro du 9 mars 2010, le montant total des avances versées par Deezer aux quatre plus grandes maisons de disques, qui pèsent à elles seules 80 % du chiffre d’affaires de l’industrie musicale en France, avoisinerait cette année-là les 3 millions d’euros. La plateforme doit par ailleurs rémunérer des milliers de labels indépendants, ainsi que les auteurs-compositeurs et éditeurs de musique membres de la Sacem, qui s’est assurée de percevoir 8 % de ses recettes publicitaires en leur nom dans l’accord signé en 2007.

Évolution du nombre de recherches (en unité arbitraire) du mot « Deezer » sur Google, d’après Google Tendances des recherches92

Au terme des accords signés avec Deezer, les quatre majors de la musique ont pu acquérir pour une bouchée de pain (entre 0,01 et 0,1 € l’unité, révélera quelques années plus tard un prospectus financier à destination des investisseurs) des options convertibles en actions de Deezer (ou BSA, pour bons de souscription d’action), pouvant être exercées lors d’une augmentation de capital, d’une introduction en bourse ou d’une cession. Ces BSA leur donnent potentiellement accès à plus de 20 % du capital de la compagnie. En attestera un rapport du commissaire aux apports d’Odyssey Music Group, la nouvelle holding de Deezer, rendu public sur la toile par BFM Business en 2012.

Un mécanisme d’anti-dilution a été mis en place, qui permet aux majors de recevoir de nouvelles options à chaque levée de fonds. « Ce contrat d’investissement a été conclu en 2007. Ces BSA n’ont pas été imposés par Sony Music. Ils ont fait partie des négociations tout comme les autres conditions commerciales. C’est un deal commercial dans sa globalité, avec une part valorisée en nature via les BSA, et une autre part valorisée en industrie. Nous avons souscrit nos BSA pour un prix d’exercice égal à la valeur de Deezer à ce moment-là. Nous avons de fait participé à la création de la valeur de Deezer, tout comme d’autres investisseurs », justifie Sony Music France.

Les revenus financiers que les majors peuvent espérer tirer de leur participation au capital ont été une forte incitation

Plus que le surplus annuel d’avances non recoupées (appelé breakage), qui sera encore de 2 millions d’euros en 2014 chez Deezer, contre plus de 13 millions d’euros en 2013, les revenus financiers que les majors peuvent espérer tirer de leur participation dans son capital ont été pour elles une forte incitation. Elles ont tiré la leçon de précédents comme la vente de YouTube à Google en 2006, pour 1,65 milliard de dollars, sur laquelle elle n’ont perçu que 50 millions de dollars ; ou de celle de Last.fm à CBS en 2007, pour 280 millions de dollars, sur laquelle elles n’ont rien touché. Les deux plateformes exploitaient leur catalogue sans autorisation et dans le plus grand flou juridique.

Dès 2009, Deezer, qui doit remettre au pot des avances chaque année, s’efforce de viabiliser son modèle économique, avant de le répliquer à l’étranger : d’abord, en introduisant la publicité audio, ce qui peut lui aliéner certains de ses utilisateurs, mais va lui permettre de draguer les annonceurs traditionnels du média radio. « Nous avons mis dix-sept mois à l’expérimenter et à la mettre en place », confie son P-DG Jonathan Benassaya. La pérennité du modèle économique de Deezer en dépend. Ce besoin de maturation, Jonathan Benassaya l’assume, comme l’obligation désormais faite à l’internaute de s’enregistrer et de s’identifier pour écouter de la musique sur Deezer, qui s’inscrit pleinement dans ce processus.

« Cette obligation répond à deux objectifs, explique le jeune patron de Deezer : d’une part, elle va nous permettre de commercialiser des produits publicitaires de plus en plus ciblés ; d’autre part, elle répond à un besoin de profiling plus poussé, sur lequel repose toute la stratégie de la nouvelle version de Deezer, qui va introduire de nouvelles fonctions de recommandation. » La plateforme s’efforce également de mettre en place, sous la pression des ayants droit, un contrôle territorial de l’accès à son catalogue, et d’être respectueuse du périmètre des licences accordées, en mettant en œuvre la détection d’adresse IP et la géolocalisation des internautes. Les titres non couverts par une licence sur un territoire donné apparaissent grisés dans l’interface web du service, et ne peuvent plus être écoutés depuis ce territoire.

Une petite appli pour iPhone et iPod Touch de Deezer est disponible dans le app store d’Apple depuis octobre 2008, qui donne accès gratuitement à un bouquet de 30 webradios thématiques et à des « smartradios » (des flux audio dits semi-interactifs, générés automatiquement à partir d’un nom d’artiste ou du profil de l’utilisateur). Cette appli Deezer arrive sur BlackBerry, téléphone mobile alors très prisé par les usagers professionnels, au mois de mars 2009. Au mois de juillet, une version béta est disponible dans le app store de Google pour les téléphones mobiles équipés de son système d’exploitation Android. Un accord de distribution est également conclu avec Logitech, fabricant de souris, de claviers, de télécommandes… et de systèmes d’enceintes hi-fi sans fil.

Malgré tous ces développements, le chiffre d’affaires publicitaire réalisé par la compagnie, de l’ordre de 6 millions d’euros en 2009, est loin d’être convaincant, ni de suffire à couvrir tous ses besoins en cash. Deezer enregistre une perte de l’ordre de 3 millions d’euros sur l’ensemble de son exercice 2009. Le site, qui compte alors plus de dix millions d’utilisateurs enregistrés, est fragilisé du point de vue financier. Plus son audience croît, plus les coûts du copyright qu’il doit assumer montent en flèche. Ils représentent déjà la moitié de son chiffre d’affaires.

Nous signons dans la nuit, et au matin, nous portons le chèque à Pascal Nègre.

Daniel Marhely

Une nouvelle augmentation de capital est nécessaire. Elle intervient au mois d’octobre 2009. Deezer lève alors 6,5 millions d’euros auprès de deux nouveaux investisseurs : les fonds Idinvest (ex-AGF Private Equity) et CM-CIC Capital Privé, qui se sont laissés convaincre par la perspective du lancement de deux offres payantes, sur ordinateur et sur mobile, et se retrouvent détenteurs de près de 23 % du capital de Deezer. Pour la jeune start-up, la quête de cash à brûler pour atteindre une taille critique vient de commencer.

L’opération permet in extremis à Deezer de verser à Universal Music les 2 millions d’euros que la maison de disques lui réclame avec insistance depuis des mois. « Nous signons dans la nuit, et au matin, nous portons le chèque à Pascal Nègre », raconte Daniel Marhely au journal Le Monde. Le tour de table porte à plus de 12 millions d’euros la totalité des fonds levés par Deezer depuis sa création deux ans auparavant, Jonathan Benassaya contrôle toujours 10 % de son capital, et Daniel Marhely 29 %. La valorisation de la compagnie est alors de 28 millions d’euros.

Le difficile tournant de l’abonnement

En 2009, le streaming à la demande financé par la publicité a rapporté moins de 4 millions d’euros aux maisons de disques et aux labels en France, pour l’essentiel abondés par Deezer, selon les chiffres communiqués par le SNEP au Midem 2010. C’est deux fois plus que l’année précédente, mais cela ne représente que 5 % du marché de gros numérique, et moins de 1 % d’un marché global de la musique encore largement dominé par les ventes physiques (CD, DVD), à hauteur de 87 %.

Le modèle de la gratuité financée par la publicité n’est plus vraiment en odeur de sainteté sur la Croisette. Pas plus que Jonathan Benassaya, qui s’est obstiné dans cette direction, n’est en odeur de sainteté auprès de ses actionnaires. Ils sont déçus des faibles performances des offres payantes (à peine 15 000 abonnés recrutés en trois mois sur des millions d’utilisateurs), qu’il s’est finalement laissé convaincre de lancer fin 2009. Les prévisionnels soumis aux actionnaires, lors de la levée de fonds réalisée quelques mois plus tôt, leur auraient fait miroiter un taux de conversion en abonnés payants bien plus élevé. Au rythme actuel, l’objectif de Jonathan Benassaya de recruter 100 000 abonnés avant la fin 2010 a de moins en moins de chance d’être atteint. Alors qu’on attend sa venue à Cannes pour intervenir lors d’une conférence, le site Electronlibre.info annonce qu’il a été débarqué de son poste de P-DG de Deezer. Il n’en est plus que président.

La nomination d’Axel Dauchez, un ancien de chez Procter & Gamble et de l’agence BDDP Interactive à la direction générale de Deezer, en remplacement de Jonathan Benassaya, ouvre une nouvelle ère : celle de la difficile conversion au modèle de l’abonnement payant, et du développement du service à l’international. Fort du précédent qu’il a créé et de sa forte notoriété sur le marché français, qu’il domine très largement, Deezer ne prend pas encore ombrage de l’émergence d’un nouveau concurrent en Europe : le suédois Spotify, qui comme lui mise sur la gratuité pour promouvoir ses offres payantes. La principale valeur ajoutée de ces offres dites « premium », en dehors de l’absence de publicité, est la possibilité d’écouter des playlists et des sélections d’albums hors connexion sur un appareil mobile. Un nouveau modèle succède à celui du tout gratuit : celui du « freemium » (une offre gratuite qui permet de recruter des abonnés « premium »), dont les deux start-up européennes vont se faire les hérauts.

Dès le lancement des bundles d’Orange, le taux de recrutement de nouveaux abonnés par Deezer monte en flèche

Afin de promouvoir ses offres payantes, le nouveau directeur général de Deezer conclut un véritable pacte avec l’opérateur de télécommunications français Orange. Dès le mois d’août 2010. Orange va proposer le service Deezer en bundle (l’abonnement à Deezer est inclus dans ses forfaits) avec ses offres ADSL et mobile. L’objectif est notamment de recruter 300 000 abonnés à 9,99 € par mois d’ici à fin 2010. Orange apporte dans la corbeille du deal son service de streaming maison Wormee, valorisé 5,6 millions d’euros, qui va être absorbé par Deezer. L’opérateur reçoit en échange des actions et des options (BSA) qui lui permettent d’entrer à hauteur de 11 % dans le capital de Deezer, que l’opération valorise à hauteur de 47 millions d’euros.

Dès le lancement des bundles d’Orange, le taux de recrutement de nouveaux abonnés par Deezer monte en flèche, et passe de 6 000 à 100 000 par mois. L’accord n’est pas du goût de tout le monde. « L’alliance entre Deezer et Orange est un scandale, elle tue l’écosystème de la musique en ligne et détruit le marché », dénonce alors Yves Riesel, cofondateur, avec Alexandre Leforestier, de la plateforme de streaming Qobuz, qui a fait le pari du son haute définition pour se démarquer, et n’offre pas de service tiers gratuit. Il y voit une subvention, par une entreprise privée dont l’État est toujours actionnaire, d’un acteur dominant du marché au détriment de ses concurrents.

Pour Deezer, l’opération est semble-t-il une réussite. Le service revendique 500 000 abonnés en janvier 2011 et atteint, avec six mois d’avance, l’objectif d’un million d’abonnés avant l’été. En septembre 2011, Deezer et Orange étendent leur partenariat et leurs offres de bundle aux abonnés d’Orange au Royaume-Uni. Après une année 2010 encore déficitaire, la plateforme de streaming est bien partie pour sortir du rouge, au moins pour ce qui est de la France, territoire où se concentrent la grande majorité de ses abonnés, et sur lequel elle se dit désormais rentable. De nombreux signaux sont au vert. Le marché français du streaming gratuit et sur abonnement est en forte progression (+ 75 % en valeur sur un an). Il rapportera près de 40 millions d’euros aux labels français en 2011. Pour le numéro un français du streaming, qui revendique un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 70 millions d’euros et 1,4 million d’abonnés, il est temps de songer à exporter son modèle.

Un rapide et coûteux déploiement à l’international

Depuis septembre 2011, Deezer est présent sur les mobiles au Royaume-Uni grâce à son partenariat avec Orange. Un bureau est ouvert à Londres, qui recrute très vite huit personnes. Le nouveau directeur général de Deezer UK, Mark Foster, souligne dans L’Express l’importance de recruter une équipe locale dans chaque pays, qui soit imprégnée de sa culture musicale. Ce sera un des piliers de la stratégie de développement à l’international engagée par Axel Dauchez : la forte localisation du service, à commencer par celle du catalogue et de l’éditorial (playlists, tops, recommandations, mises en avant, etc.). Une trentaine de zones éditoriales distinctes sont définies, dans une douzaine de langues.

Pour son déploiement à l’international, Deezer noue systématiquement, comme en France, des partenariats avec les opérateurs mobiles locaux pour distribuer son offre en bundle. La relation de Deezer avec son actionnaire Orange n’est pas exclusive. Au mois de décembre 2011, le service se lance en Belgique en partenariat avec l’opérateur Belgacom. Un bureau est ouvert à Bruxelles, et deux personnes sont recrutées. Deezer mise également sur sa récente intégration au réseau social Facebook, qui permet de partager et d’écouter directement de la musique depuis son interface, pour recruter de nouveaux utilisateurs partout dans le monde. « Cette évolution reflète la pleine transformation géographique du marché de la musique qui se concentrait jusqu’ici dans sept pays », commente Axel Dauchez.

Son concurrent Spotify n’est alors présent que dans une vingtaine de pays.

Le 7 décembre 2011, Deezer annonce, à l’occasion du forum LeWeb à Paris, son objectif d’être présent dans plus de deux cent pays au mois de juin 2012, dont 45 pays européens dès la fin 2011, parmi lesquels l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Russie. « Deezer deviendra le seul service de streaming de musique vraiment mondial disponible en Europe, en Amérique du Sud, en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Nord, au Canada, en Asie du Sud-Est et en Australie », claironne son directeur général. Son concurrent Spotify n’est alors présent que dans une vingtaine de pays. Fin avril 2012, la plateforme Deezer est lancée au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Au mois de juin, trente-cinq nouveaux territoires sont couverts en Amérique latine, dont le Chili, la Colombie, l’Argentine et le Mexique. Son partenariat avec Orange permet en outre à Deezer de se lancer dans la foulée dans deux pays africains : la Côte d’Ivoire et la Mauritanie.

Un seul territoire fait étonnamment défaut dans cette longue liste, et non des moindres, puisqu’il s’agit des États-Unis, premier marché mondial de la musique. « Aux États-Unis, il y a d’abord un problème de compétition. Pas tellement avec les services d’abonnement, mais avec Amazon, iTunes et Pandora. Ils sont tellement en position de force, surtout iTunes, et Pandora capte déjà tellement de temps d’audience, que la concurrence y est très solidement en place. Et les coûts d’acquisition y sont par conséquent très élevés », confie Axel Dauchez au site Electronlibre.info. « Nous n’irons aux États-Unis que lorsque nous aurons un angle, un partenariat ou un avantage concurrentiel spécifiques. Nous avons eu des opportunités cet été, et c’est sciemment que nous ne les avons pas saisies », ajoute-t-il. Il préfère préserver le bilan de la compagnie : « Nous sommes rentables depuis fin 2010 et nous le devons à notre choix d’aller dans des pays où il y a de la croissance et de la marge, plutôt que d’aller dans ceux où il y a une forte compétition et pas de marge », explique-t-il.

Du fait du déploiement accéléré opéré à l’international, le patron de Deezer prévoit que son chiffre d’affaires va « doubler ou tripler » l’année suivante. Mais malgré l’impasse faite sur le marché américain, la compagnie va de nouveau devoir supporter des pertes. « Nous ne redeviendrons rentables qu’en 2014 », confie Axel Dauchez. Même si le modèle du freemium, ainsi que la politique de bundle initiée avec les opérateurs de télécoms et le partenariat avec Facebook réduisent significativement ses coûts d’acquisition de nouveaux clients, l’expansion territoriale engagée par Deezer nécessite de lourds investissements. La compagnie doit songer à se refinancer si elle veut passer à la vitesse supérieure. C’est ce qu’elle va réussir à faire haut la main.

Début octobre 2012, Deezer, qui revendique 2 millions d’abonnés payants et des millions d’utilisateurs inscrits dans 172 pays, réalise un méga tour de table de 100 millions d’euros auprès d’Access Industries, fonds d’investissement de l’homme d’affaires russo-américain Len Blavatnik, qui a racheté la maison de disques Warner Music Group pour 3,3 milliards de dollars un an plus tôt, et a déjà investi dans la plateforme de streaming américaine Beats. Access Industries, qui est basé à New York, a racheté des parts de certains actionnaires historiques de Deezer pour 25 millions d’euros, et contribué à une augmentation de capital à hauteur de 75 millions d’euros, s’arrogeant ainsi 32,6 % du capital.

Deezer emménage dans de nouveaux locaux pouvant accueillir 170 personnes rue d’Athènes, à Paris, à deux pas du siège hexagonal de Google

Selon la lettre d’information financière CF News, le fonds Dotcorp Asset Management des frères Rosemblum, qui a participé aux trois premiers tours de table de Deezer, en profite pour sortir partiellement du capital, ne conservant plus que 14 % des parts. Le fondateur Daniel Marhely s’en sort lui aussi avec un très beau « cash-out ». Le fonds IdInvest aurait remis au pot, mais pas CM-CIC Capital Privé, qui est un peu dépassé par le montant levé. Orange a exercé un quart de ses BSA. Deezer, qui vient d’emménager dans de nouveaux locaux pouvant accueillir 170 personnes rue d’Athènes, à Paris, à deux pas de la gare Saint-Lazare et non loin du siège hexagonal de Google, est désormais valorisé autour de 350 millions d’euros.

La start-up vient d’entrer dans la cour des grands, et va pouvoir accélérer sa croissance à l’international. Mais il y a quelque chose de « pourri » au royaume de Deezer, quelque chose qui ne tourne pas rond dans sa politique de « hard bundle » avec Orange et d’autres « telcos » à l’international, et qui sème le doute sur le nombre d’abonnés que la plateforme de streaming française revendique. C’est une épine qu’elle s’est mise toute seule dans le pied, et qu’elle va très vite devoir enlever.

À la chasse aux abonnés fantômes

Plus des deux tiers des abonnés recensés par Deezer sont en effet des bénéficiaires des bundles d’Orange qui n’ont pas activé le service. Comptabiliser à son actif des abonnés qui n’utilisent pas le service, même si ces bundles non actifs sont rémunérés par Orange, n’est pas très satisfaisant. L’affaire éclate courant 2012, lorsque Orange menace de ne pas renouveler son accord avec Deezer une fois ce dernier arrivé à échéance. Il y a beaucoup trop d’abonnés fantômes dans son bilan. Avec des taux d’activation aussi faibles, ces bundles s’avèrent d’un coût prohibitif pour l’opérateur, qui n’en tire pas un grand bénéfice en terme de recrutement. « Personne ne prend un forfait Orange pour avoir Deezer », reconnaît volontiers Laurence Le Ny, la directrice de la musique chez Orange.

« À raison de 2,50 € HT par abonné, actif ou non, payés chaque mois par Orange à Deezer, la facture commençait à devenir extrêmement lourde pour l’opérateur, à hauteur de 12,50 € HT par abonné actif », révèle le site Electronlire.info. Deezer parvient néanmoins à sauver la mise in extremis, obtenant d’Orange qu’il prolonge les offres de bundle jusqu’en juillet 2015, sous certaines conditions qui lui restent très favorables : « Orange s’est en effet engagé à reverser à Deezer 2 millions d’euros par mois, quelque soit le nombre d’abonnés actifs, à concurrence de 800 000 abonnés actifs, et 2,50 € HT par mois et par abonné actif au-delà de ce seuil. […] Pour Deezer et pour les labels, c’est la garantie de maintenir le volume d’affaires des offres de bundle à hauteur de 24 millions d’euros par an au cours des trois ans à venir, soit un total de 72 millions d’euros », relate Electronlibre.info. Ce volume d’affaires n’ira pas au-delà si les bundles ne parviennent pas à recruter plus de 800 000 abonnés actifs avant la fin de la période de prorogation.

Freemium : converting to pay (Midia Research, 2013)

Un prospectus publié trois ans plus tard à destination des investisseurs – alors que Deezer, toujours en quête de montagnes de cash à brûler, envisage de réaliser une introduction en bourse qui valoriserait la compagnie à plus d’un milliard d’euros – fait toute la lumière sur cette affaire, et la plus grande transparence sur la réalité de ses opérations et de ses résultats financiers. C’est ce qu’exige l’Autorité des marchés financiers (AMF) en pareille circonstance. Sur les 6,9 millions d’abonnés revendiqués par Deezer fin 2014 dans le monde, on dénombre 1,3 million d’abonnés directs (19 %), révèle le document. Le reste (5,6 millions) est constitué de bundles, dont 1,6 million sont actifs, et 4 millions inactifs.

Deezer compte en réalité moins de 3 millions d’abonnés fin 2014

Le prospectus distingue deux types de bundles inactifs dans le bilan de Deezer : ceux qui sont rémunérés et ceux qui ne le sont pas. Ils sont un million à l’être du fait d’accords de « hard bundle » passés avec certains opérateurs et équipementiers (le service est rémunéré, qu’il soit activé ou non). Les trois autres millions de bundles inactifs, qui relèvent d’accords de « soft bundle » (le service n’est pas rémunéré si le service n’est pas activé), ne rapportent rien à Deezer. En 2014, seuls 56 % des 6,9 millions d’abonnements revendiqués par Deezer sont rémunérés, soit 3,9 millions, dont 1 million de « hard bundles » inactifs, 1,6 million de bundles actifs, et 1,3 million d’abonnements directs.

Du fait des nouveaux accords passés avec Orange, plus aucun bundle inactif n’est rémunéré en France, où Deezer revendique 1,6 million d’abonnés (directs et via des bundles actifs) à fin juin 2015, contre 1,2 million dans le reste de l’Europe (dont 500 000 bundles inactifs rémunérés) et 880 000 en Amérique latine (dont 253 000 bundles inactifs rémunérés). La plateforme de streaming a entrepris de purger son bilan de tous ces « abonnés fantômes » qui sont l’avatar des formules de « hard-bundle ». Il en reste encore 1 million dans ses livres de comptes fin 2014, essentiellement en Europe et en Amérique latine. Dans le reste du monde, le nombre de bundles inactifs rémunérés a été divisé par trois. Au premier semestre 2015, il fond de plus de 20 % au niveau mondial, et n’est plus que de 750 000 à fin juin 2015. Hors bundles inactifs, Deezer compte en réalité moins de 3 millions d’abonnés fin 2014. Leur nombre a augmenté de près de 40 % sur un an, mais cette hausse n’est que de 6 % au premier semestre 2015.

Bilan d’une régence

Axel Dauchez - Deezer
Axel Dauchez – Deezer

C’est sa défiance à l’égard des États-Unis qui a probablement coûté son poste à Axel Dauchez, ou qui a fait qu’on l’a un peu poussé vers la sortie. Il finit par rendre son tablier de DG de Deezer en septembre 2014, officiellement pour des questions de nécessaire évolution managériale qui ne trompent personne : son principal actionnaire, Access Industries, est impatient de voir le service de streaming se lancer aux États-Unis ; et malgré l’ouverture d’un bureau à New York pour tâter le terrain, il estime que les choses ne vont pas assez vite.

Depuis un an, Deezer est présent dans 221 pays, mais son chiffre d’affaires ne progresse pas autant que les business plans mirifiques présentés fin 2012 aux investisseurs le laissaient augurer : à un peu plus de 92 millions d’euros en 2013, sa croissance n’est que de l’ordre de 30 %. Il n’a pas doublé ou triplé, comme le prévoyait Axel Dauchez. La préférence marquée de Deezer pour les marchés émergents abaisse mécaniquement son ARPU (revenu moyen par utilisateur), du fait de la nécessaire adaptation de sa politique de prix au pouvoir d’achat local. Et elle freine la progression de son chiffre d’affaires.

Axel Dauchez se félicitait de préserver sa rentabilité alors que, dans le même temps, Spotify dépensait des millions pour alimenter sa croissance galopante

Celui que le magazine Challenges présentait comme « le messie des maisons de disques » quelques semaines plus tôt se voit reprocher sa frilosité et son profil de « gestionnaire beaucoup plus régent que conquérant », comme le décrit un observateur du marché cité par Le Journal du Net, qui ajoute : « Il se félicitait sans cesse de préserver sa rentabilité alors que dans le même temps Spotify dépensait des millions d’euros pour alimenter sa croissance galopante ». Ce à quoi un actionnaire de Deezer rétorque dans les mêmes colonnes : « Le problème est qu’on ne sait pas où se situe la ligne d’arrivée de cette course ». Le risque est selon lui de se lancer dans une véritable « fuite en avant » : « Si le marché du streaming musical n’a toujours pas explosé d’ici deux ou trois ans, Spotify se trouvera contraint de lever à nouveau plusieurs centaines de millions d’euros », avance t-il, non sans faire preuve d’une certaine prescience.

De nombreux indicateurs sont pourtant au vert chez Deezer, avec notamment, dès 2013, une très forte progression des revenus en Europe (hors de France) et en Amérique latine. Mais la plateforme dépend trop du marché français. La part de ce dernier dans le chiffre d’affaires de Deezer diminue, elle est passée de 88 % en 2012 à 65 % en 2013, et ne sera plus que de 52 % en 2014 mais elle reste trop importante. Idem pour la part des bundles d’Orange dans les revenus de Deezer en France, même si elle régresse d’année en année, et ne sera plus que de 49 % en 2014, contre 66 % en 2012. Au premier semestre 2015, les bundles ne pèsent plus que 42 % du chiffre d’affaires de Deezer, contre 50 % pour les abonnements directs. C’est un des fruits de la régence d’Axel Dauchez.

Le prospectus financier publié par Deezer courant 2015, en amont de son projet d’introduction en bourse, dresse le bilan financier cette régence. Avec 78 millions d’euros de pertes nettes cumulées en trois ans (de 2012 à 2014), Deezer est encore loin du seuil de rentabilité. L’essentiel de ses pertes nettes est constitué par les pertes opérationnelles que la plateforme essuie sur les marchés émergents. C’est le prix à payer pour être présent dans plus de 220 pays. Les dépenses au niveau du groupe, essentiellement liées à l’expansion internationale de Deezer, ont augmenté de 22 % en 2014, mais leur part des revenus n’est plus que de 16,5 %, contre près de 21 % en 2013.

Les pertes opérationnelles sur les marchés émergents (Amérique latine et reste du monde) s’inscrivent à la baisse au premier semestre 2015. Avant allocation d’une part des dépenses faites au niveau du groupe, l’Amérique latine, qui a presque multiplié par trois le nombre d’abonnés directs et de bundles actifs en 2014, est presque à l’équilibre. En France, le bénéfice avant impôts (EBITDA) de Deezer est de 7 millions d’euros en 2014. Il pourrait atteindre 12 millions d’euros en 2015, indique le prospectus financier de Deezer. Au premier semestre 2015, Deezer a réduit ses pertes nettes à environ 9 M€ (10 % du CA), contre 13 M€ (20 % du CA) un an plus tôt sur la même période.

Deezer estime que les avances sur minimum garanti devraient être couvertes par les usages réels à partir du premier semestre 2015

Autre indicateur au vert, la part des revenus de Deezer engloutie par les droits musicaux, qui constituent l’essentiel de ses coûts, régresse d’année en année. En 2014, la compagnie a reversé 112,5 millions d’euros aux ayants droit de la musique sur un chiffre d’affaires de 141 millions d’euros, soit près de 80 % de ses revenus. Cette proportion était de 89 % en 2012, et de 94 % en 2013. Elle n’est plus que de 76 % au premier semestre 2015. Enfin, les avances sur minimum garanti devraient être couvertes par les usages réels à partir du premier semestre 2015, estime Deezer dans son document, sans surplus à verser en fin d’année. Le montant non recoupé de ces avances (breakage) a été de plus de 20 millions d’euros sur la période 2012-2024. Il a impacté directement la marge brute de Deezer. Elle a été de 15,6 % du chiffre d’affaires en 2014, contre 2,4 % en 2013 et 8,7 % en 2012. Hors avances non recoupées, la marge brute de Deezer aurait été de l’ordre de 16 % à 18 % sur ces trois années.

Le virage américain

Quelques mois après le départ d’Axel Dauchez, et alors que Daniel Marhely se retrouve momentanément seul aux commandes de Deezer, une première offre Deezer Elite est lancée aux États-Unis, en partenariat exclusif avec le fabricant de matériel hi-fi connecté Sonos. Comme son concurrent Qobuz en France, qui n’est pas parvenu à se refinancer et vient d’être placé en redressement judiciaire, le Français tente de se démarquer du Suédois Spotify, déjà présent depuis trois ans sur le territoire américain et doté de moyens financiers sans commune mesure, en jouant la carte du son haute définition. L’exclusivité du partenariat avec Sonos ne porte que sur cette offre. Un deuxième partenariat est conclu avec le fabricant d’enceinte Bose pour distribuer l’offre Premium standard de Deezer auprès d’un public plus large. Deezer se retrouve ainsi préinstallé sur les nouvelles enceintes connectées de la marque.

Fin décembre 2014, l’homme d’affaires d’origine belge Hans-Holger Albrecht, qui dirigeait le groupe de médias et de télécoms allemand Millicom, est nommé P-DG de Deezer. En janvier 2015, la start-up renforce sa position aux États-Unis en faisant l’acquisition de l’américain Muve Music, le service de streaming musical de l’opérateur mobile Cricket Wireless, que celui de Deezer va remplacer dans son offre, ce qui lui donne potentiellement accès à 4,5 millions d’abonnés. Cricket Wireless est un service mobile prépayé d’AT&T, qui va lui permettre de s’adresser plus particulièrement la communauté hispanique. « Pour la première fois, Deezer déploiera massivement son service via un opérateur mobile aux États-Unis », se félicite la compagnie dans un communiqué.

« Désormais, tous les Américains peuvent s’inscrire sur Deezer »

Publicité pour Deezer aux Etats-Unis

Le nouveau P-DG de Deezer confie quelques mois plus tard au Journal du Net : « Désormais, tous les Américains peuvent s’inscrire sur Deezer. Nous avons même ouvert un bureau à Miami, d’où nous supervisons les marchés US et latino-américains. Le marché nord-américain est toutefois très compétitif, raison pour laquelle nous ne voulons pas faire les choses seuls. Nous comptons poursuivre notre logique de partenariats en conservant ceux que nous avons avec Cricket, Sonos ou encore Bose, tout en continuant à en chercher de nouveaux. »

En juin 2015, Alexis de Gemini, gérant de la société de production A2G Créations et ancien patron de M6 Music, est nommé à la tête de la filiale française de Deezer en remplacement de Simon Baldeyrou. Courant octobre 2015, la start-up ajourne son projet d’introduction à la Bourse de Paris, au cours de laquelle elle espérait pouvoir céder 30 % de son capital pour 300 millions d’euros, soit une valorisation de l’ordre du milliard d’euros. Des conditions de marché difficiles amènent Deezer à se tourner vers d’autres sources de financement. Au mois de janvier 2016, la compagnie parvient à boucler un nouveau tour de table de 100 millions d’euros auprès de ses actionnaires Access Industries et Orange. La holding américaine de Len Blavatnik prend alors le contrôle de Deezer, dont l’essentiel du capital est désormais américain. Dans un avis publié en juin 2016, l’autorité de la concurrence française donne son aval à l’opération.

Le sacre de la « licorne »

En 2016, Deezer réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 300 millions d’euros (il a plus que doublé en l’espace de deux ans), et enregistre une perte nette de 60 millions d’euros. La compagnie ne communique plus de chiffres sur le nombre de ses abonnés. Plus que jamais, elle tente de se différencier par la localisation poussée de son catalogue sur des marchés émergents à fort potentiel de croissance.

Dans le cadre d’un programme baptisé Deezer Next, des « talent scouts » locaux (une quarantaine dans le monde) identifient de nouveaux talents dans des genres de niche comme le gospel brésilien, le reggaeton porto-ricain ou le hip hop allemand, ce qui amène Deezer à produire des contenus originaux, à la manière de Netflix. « Je crois fermement à la localisation du contenu. Alors que Spotify est principalement axé sur les playlists, nous misons sur la différenciation locale, ce qui nous a permis de devenir le numéro un du gospel au Brésil », confie Hans-Holger Albrecht à Reuters.

Cette politique a été initiée dès 2012 par Axel Dauchez en Afrique, où le marché de la musique était quasi inexistant. Il expliquait alors au magazine Musique Info : « Nous allons générer des revenus là où il n’y en avait pas, ce qui ne peut être que positif. Sur la zone africaine, des producteurs viennent se mettre en interface entre nous et les artistes. Il y a une sorte de mouvement centrifuge et centripète qui fait que, comme c’est la première fois qu’il y a une opportunité de business dans la région, cela structure la création. Les artistes ivoiriens, qui veulent saisir cette opportunité, signent avec des producteurs pour pouvoir être diffusés sur Deezer Côte d’Ivoire. Ils sont de facto diffusés mondialement, et trouvent un écho auprès de la diaspora des Ivoiriens du monde entier. Il y a donc un nouvelle source de droits qui se crée, grâce à une autostructuration spontanée de la création ivoirienne. »

En juin 2017, Deezer recrute un responsable des relations avec les labels basé à Singapour pour partir à la conquête de l’Asie, vaste marché où tous les géants du secteur cherchent à se positionner, et sur lequel Deezer est resté jusque-là très discret. En Afrique, Deezer lorgne sur le Nigeria et l’Afrique du Sud.

Deezer sur un portable en arabe

Deezer en 2019 : 14 millions d’utilisateurs, 7 millions d’abonnés et 400 M$ de revenus annuels

Début août 2018, la compagnie annonce avoir bouclé une nouvelle levée de fonds de 160 millions d’euros auprès du fonds souverain saoudien Kingdom Holding Company (KHC) et de l’opérateur français Orange, qui porte à plus de 375 millions d’euros la totalité des fonds levés depuis sa création. Cette levée de fonds, qui va lui permettre d’accélérer encore plus son développement à l’international, valorise l’entreprise au-delà du milliard d’euros, et la fait entrer dans le club très fermé des « licornes » du web. L’opération se double d’un accord de distribution exclusif avec Rotana, l’un des principaux labels musicaux du Proche et Moyen-Orient, qui est la propriété de KHC et a participé au tour de table. « Cet accord nous offre une opportunité unique de développer de futures positions de leader sur des marchés en pleine expansion », se félicite Hans-Holger Albrecht dans un communiqué. Il projette d’ouvrir un bureau à Dubaï dans les mois qui viennent, et dans d’autres territoires de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) par la suite.

Début 2019, le P-DG de Deezer dévoile quelques informations restées jusque-là confidentielles au site anglais Music Ally : « Nous avons environ 14 millions d’utilisateurs actifs mensuels et plus de sept millions d’abonnés, ce qui donne un bon ratio de conversion en abonnés payants. Et nous atteignons 400 millions de dollars de revenus annuels, avec une forte croissance des abonnements directs. Les chiffres sont assez solides. Nous verrons ce que la région MENA nous réserve l’année prochaine ». Son expansion au Moyen-Orient et en Afrique du Nord devrait permettre à Deezer de devenir rentable d’ici 2021, déclare Hans-Holger Albrecht au site Arabian Business. Le dernier P-DG en date de Deezer en est convaincu : « Le streaming est un marché encore très jeune, avec une pénétration globale d’à peine 10 %, aussi est-il encore porteur d’un énorme potentiel ». Près de quinze ans après la naissance de Blogmusik, Deezer entend bien en profiter.

Philippe Astor