Le Centre national de la musique publie son étude 2024 de l’économie des festivals de musiques actuelles et de variétés
Le Centre national de la musique (CNM) livre une analyse approfondie de la situation économique d’un panel de plus de cent festivals de musiques actuelles et de variétés parmi ceux qu’il a aidés en 2024, et confirme une fragilité structurelle du secteur qui interroge la soutenabilité du modèle économique festivalier.
Une situation économique de plus en plus tendue pour les festivals de musiques actuelles et de variétés
En 2024, deux festivals sur trois terminent leur édition avec un déficit. Si cette proportion est stable par rapport à l’an passé, le montant de déficit moyen augmente fortement (+73 %) et s’établit à – 115 675 €, (pour un budget moyen des festivals s’élevant à 1,6 M€).
L’étude montre par ailleurs que parmi ces festivals déficitaires se trouvent des festivals dont le taux de remplissage est au rendez-vous. Ainsi, 68 % des festivals dont le taux de remplissage est supérieur à 90 % sont déficitaires en 2024, une proportion qui augmente de 26 points par rapport à 2023.
Ces données confirment, cette année encore, la fragilité structurelle du modèle économique festivalier et interrogent sa soutenabilité à long terme. D’autant qu’en dépit d’une capacité
d’accueil moyenne en hausse (29 400 spectateurs ; +2 % vs. 2023), la fréquentation moyenne (22 200 billets – gratuits et payants – délivrés) reste stable, induisant donc un taux de remplissage moyen des festivals en légère diminution (77 % ; -3 pts).
Un « effet ciseaux » qui continue d’affecter largement l’écosystème festivalier en 2024
En 2024, alors que les charges des festivals augmentent en moyenne de 6 %, les produits ne progressent que de 4 %. Cet écart, déjà constaté l’an passé, persiste et se creuse et confirme « l’effet ciseaux » qui affecte les festivals.
Parmi les coûts supportés par les festivals, les postes techniques augmentent de +6 %, les coûts artistiques de +9 % et les autres dépenses de +4 % par rapport à 2023.
Au sein des dépenses techniques, en hausse de +6 %, les prestations connaissent la plus forte hausse (+30 %), en lien avec l’augmentation des capacités d’accueil des festivals. Les hausses des dépenses liées aux coûts d’achat des spectacles (contrats de cession, d’engagement, salaires des équipes techniques des artistes) se poursuivent en 2024 (+9 %), dans des proportions supérieures à celle du nombre de formations artistiques programmées sur l’ensemble du panel (+2 %). A eux seuls, les contrats de cession représentent en moyenne 25 % du budget total des festivals, avec une concentration plus marquée dans les festivals aux budgets les plus élevés, pour qui ce poste représente 91% des dépenses artistiques. Parmi les autres dépenses (communication, frais de structure, taxes, assurances etc.), elles aussi globalement en hausse de +4 %, les charges liées aux contrats d’assurance poursuivent leur augmentation à hauteur de +14 % par rapport à 2023. Pour rappel, l’étude du CNM sur l’Économie des festivals publiée en 2023 faisait déjà état d’une hausse de +49 % des coûts liés aux assurances entre 2019 et 2022.
Parmi les ressources des festivals, les recettes propres augmentent de +3 %, les ressources tirées des partenaires et mécènes de +11 % et les ressources tirées des subventions de +5 % par rapport à 2023.
Les recettes de billetterie représentent en moyenne 44 % du total des produits des festivals, contre 15 % pour les recettes de bar et restauration. Si la billetterie est en hausse moyenne de +4 % et les recettes de bars et restauration de +1 % par rapport à 2023, cette évolution positive masque des situations diverses parmi les festivals suivant leurs catégories de budget. Ainsi pour les festivals dont le budget est situé entre 500 000 et 1 million d’euros et ceux dont le budget dépasse 3 millions d’euros, la billetterie et les recettes de bars et de restauration sont en hausse, contre une billetterie stable et des recettes de bars et restauration en baisse pour les festivals au budget situé entre 1 et 3 millions d’euros et ceux dont le budget est inférieur à 250 000 euros. Sur le volet des partenariats, un nombre croissant de festivals a recours au mécénat en 2024. Les ressources issues des partenariats et sponsoring augmentent en moyenne de +4 %, tandis que celles issues du mécénat augmentent de +14 %.
De façon générale, il faut noter que plus un festival a un budget élevé, plus il dépend de ses recettes propres et des partenariats qu’il conclut, tandis que les subventions publiques tiennent une place moins importante dans le total de leurs produits. De façon symétrique, les festivals à budgets plus modestes sont davantage dépendants des subventions et aides. Par exemple, pour les festivals dont le budget est compris entre 100 000 et 250 000 euros, celles-ci représentent 44 % de leurs produits en moyenne contre 13 % pour les festivals dont le budget dépasse 3 million d’euros.
En 2024, parmi ces subventions et aides, celles qui connaissent une hausse moyenne sont celles versées par le CNM en augmentation de +13 % par rapport à 2023, contre +5 % pour celles des collectivités territoriales.
Le Centre national de la musique présentait les caractéristiques et évolutions budgétaires des festivals de musiques actuelles entre 2019 et 2022 ; une publication éclairante sur la santé du spectacle vivant et sur l’évolution des modes de consommation des concerts.
Afin d’évaluer la fragilité des équilibres financiers des festivals soutenus par le CNM dans un contexte d’augmentation des coûts, le Centre national de la musique a construit son étude des festivals à partir d’un panel de 68 festivals de musique répondant à des critères significatifs, parmi lesquels le fait de disposer d’un budget supérieur ou égal à 80 000 €. Pour ces festivals majoritairement portés par des acteurs privés, en grande partie associatifs, le budget total moyen de l’édition 2022 a augmenté de 19 % par rapport à 2019, avec une hausse des ressources en parallèle limitée à 18 % sur la même période, confirmant un léger effet ciseau, qui tend toutefois à s’accentuer pour les festivals au budget inférieur à 500 k€.
Parmi les causes de la hausse des dépenses, vient en premier lieu la hausse de 21 % des charges techniques, logistiques et de sécurité (avec notamment une hausse des prestations techniques à plus de 134 %), ainsi que celle des charges artistiques, à 21 % également, notamment du fait de l’augmentation conjuguée du nombre moyen de groupes programmés (+8 %) et du montant moyen des contrats de cession et engagement (+13 %). Si l’inflation constitue une explication à l’augmentation des charges, d’autres causes peuvent être avancées : éditions exceptionnelles post-crise, compromis d’agenda pour des têtes d’affiche, raréfaction de certains métiers.
Du côté des ressources, la hausse des produits s’explique moins par la hausse des recettes propres, que par le développement des partenariats privés et des dispositifs d’aides exceptionnelles qui ont pu compenser en partie la hausse des dépenses sur les deux dernières années. Les financements accordés aux festivals en 2022 par les organismes publics (parmi lesquels le CNM, l’État et les collectivités territoriales) ont augmenté de 28 % et ceux des partenaires privés et mécènes de 21 %. Les recettes propres ont elles connu une hausse de 14 %, incluant des hausses de recettes de billetterie timides (+4 %) et ne parvenant pas à s’aligner avec l’évolution générale des dépenses, du fait de la relative augmentation du prix moyen du billet (+10 % entre 2019 et 2022) minorée par une baisse simultanée de 5 % des entrées payantes. Enfin la période a montré une baisse importante du financement des organismes professionnels (-41 %).