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Interview : Exit Music For A Drink à Angers

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A l’occasion du Disquaire Day, organisé le 12 juin puis le 17 juillet 2021, le Centre national de la musique met en lumière le métier de disquaire indépendant.
Rencontre avec Dalhia Mahot, disquaire Exit Music For A Drink à Angers, par Pascal Bussy. 



Exit Music For A Drink

4 bis rue Bodinier
49100 Angers

exitmusicforadrink@gmail.com

09 54 75 93 17



La « douceur angevine » qu’évoquait Joachim du Bellay à l’époque de la Renaissance dans son sonnet Heureux qui comme Ulysse s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Et si Angers est dans le peloton de tête des cités de France où il fait bon vivre, c’est sûrement aussi à cause de la musique. Le Chabada, la SMAC (Scène de musiques actuelles) n’y est pas pour rien, sans oublier les groupes qui y ont vu le jour, avec en tête Lo’Jo et les Thugs dans les années quatre-vingt, Zenzile dix ans plus tard, puis Pony Pony Run Run plus récemment. Autres centres névralgiques, les quatre ou cinq disquaires de la ville et tout spécialement Exit Music For A Drink, pour au moins trois raisons.

Exit Music For A Drink : un lieu de vie angevin

D’abord, il flotte dans ce magasin au nom choisi en référence à Radiohead un esprit d’aventure, et il fait bon y venir flâner et découvrir. Ensuite, c’est un disquaire généraliste autant qu’un café avec un bar et même un coin salon ; les noms des bacs de disques (« punk & post-punk », « classique / contemporain », « expérimental / bruitisme », etc.) sont inscrits sur des ardoises, comme autant de clins d’œil au grand panneau au-dessus du comptoir où sont répertoriés les boissons et… les sorties de la semaine. Enfin, il est l’un des rares en France qui soit dirigé par une femme, la mélomane Dalhia Mahot, qui n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de raconter son quotidien et notamment les relations avec ses fournisseurs.

En dehors de l’accueil des clients, le gros de ma journée est consacré à la recherche des références, à la mise en rayons et à la logistique des commandes ; côté distributeurs, il n’y en a qu’une poignée qui fait vraiment le job, comme Big Wax, Pias et L’Autre Distribution, tandis qu’avec les majors tout se passe avec des bons de commande, c’est assez anonyme et c’est dommage.

Dalhia Mahot

Pendant la longue période de pandémie, Dalhia raconte avoir eu beaucoup de stress durant le premier confinement, alors que lors du second les aides du CNM et du fonds de solidarité ont facilité les choses. Elle raconte en souriant :

On s’est enfin sentis soutenus, c’était génial que le magasin soit considéré comme un maillon de toute la chaîne de la culture… Et puis, le « click & collect » a contribué à nous maintenir à flot, pour nous c’était une manière d’affirmer que « oui, on est toujours là ! », et pour pas mal de nos fidèles, c’était parfois leur seule sortie de la journée… »

Dalhia Mahot

Et aujourd’hui que la vie normale reprend peu à peu, le travail a-t-il changé ? En fait, pas tant que ça, répond la patronne militante, la seule grosse différence c’est le site internet où il y a beaucoup plus de commandes qu’avant, bien sûr c’est bon pour le chiffre mais c’est tout de même très impersonnel…

En ce qui concerne l’avenir, Dalhia n’a pas de boule de cristal mais sa passion ne faiblit pas. Son modèle de double activité a prouvé sa pertinence depuis son ouverture en 2014, avec un chiffre d’affaires qui se divise entre 80 % pour le disquaire et 20 % pour le café ; mais les marges ne sont pas les mêmes et l’un ne vit pas sans l’autre.

Et le futur ?

J’espère deux choses : que les nouveaux clients qui ont abandonné les grandes surfaces spécialisées et les monstres du commerce en ligne vont continuer à venir et que les embouteillages des chaînes de production des vinyles vont se régler.

Dalhia Mahot

En guise de conclusion, Dalhia s’enflamme en évoquant le Disquaire Day qui approche :

Il y a une référence génialissime, la réédition de « Ladies First », le troisième et dernier album du groupe de rock arty Jack the Ripper !

Dalhia Mahot

Un constat sans appel et plutôt très bien vu, car il s’agit d’un petit chef-d’œuvre hexagonal méconnu, sous haute influence Nick Cave, à la musique aussi intense que sa pochette exubérante signée par le peintre brésilien Juarez Machado. Un grand cru de 2005 que l’on s’imagine bien savourer confortablement installé dans l’un des larges fauteuils clubs du magasin, un verre à la main et les oreilles aux aguets, en rêvant à cette douceur angevine séculaire qui décidément ne faiblira jamais…

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