Le CNM publie son étude sur l’impact pour les ayants droit d’un passage du modèle de rémunération par les plateformes de streaming dit Market Centric Payment System (MCPS) au User Centric Payment System (UCPS)
Une étude destinée à objectiver le débat au moyen de données comparables
Avec l’évolution des modes d’écoute de la musique, les services de musique en ligne ont connu au cours des dernières années une très forte croissance de leur activité pour atteindre, en 2019, 59 % du marché des ventes de musique enregistrée (Étude SNEP, L’économie de la production musicale en 2019, édition 2020). Leur poids croissant dans l’économie de la musique a fait émerger des questions relatives aux modalités retenues par ces entreprises pour répartir les produits tirés des abonnements à leurs services.
➔ Deux modèles de répartition
Les revenus générés par les écoutes en streaming sont aujourd’hui répartis aux ayants droit au prorata de leur part de marché (nombre d’écoutes générées sur le catalogue de l’ayant droit rapporté à l’ensemble des écoutes générées sur la plateforme), selon le modèle dit du Market Centric Payment System (MCPS). Par définition, ce mode de répartition favorise les propositions artistiques dont l’audience est la plus engagée et contribue à flécher les revenus du streaming vers les titres écoutés par les utilisateurs intensifs des services de musique en ligne.
Depuis plusieurs années, des professionnels de la musique militent en faveur d’un modèle alternatif, dit User Centric Payment System (UCPS), consistant à répartir le montant hors taxes de chaque abonnement en fonction des écoutes réelles de l’utilisateur : l’abonnement de l’utilisateur est distribué uniquement aux ayants droit des titres qu’il écoute.
➔ Une étude objective et indépendante
Plusieurs études[1] ont été menées en France et en Europe sur les conséquences du passage d’un modèle à l’autre pour les revenus du streaming et la diversité de l’offre. Toutefois, elles ont été réalisées sur la base de choix méthodologiques, de périmètres de données et de temporalités différentes. De ce fait, leurs résultats, souvent contradictoires, ne peuvent être comparés et ne permettent pas d’objectiver cette réflexion.
Dans ce contexte, le Centre national de la musique, en tant qu’observatoire du secteur musical en France, a réalisé une étude pilotée conjointement avec le ministère de la Culture. Lancée en avril 2020, cette étude a pour but d’opérer une analyse comparative et objective des implications des deux systèmes, notamment au regard de leur impact sur la diversité. Menée avec l’appui du cabinet Deloitte, elle a été réalisée dans un cadre concerté avec les professionnels, grâce à la contribution de représentants de différents métiers de la filière : artistes, producteurs, labels, distributeurs, organismes de gestion collective et plateformes de musique en ligne.
Certains services de musique en ligne ont, dès le lancement de l’étude, indiqué ne pas souhaiter y participer, ou ne pas disposer des ressources permettant de traiter leurs données pour la mise en œuvre d’une méthodologie commune. Seuls Deezer, Spotify et la Sacem ont accepté de participer à la mise à disposition de données, à l’élaboration de la méthodologie commune et, pour les deux plateformes, à son exécution[2].
Principaux enseignements de l’étude
Au-delà de quelques enjeux méthodologiques laissés volontairement en dehors du champ de l’analyse (cf. présentation de la méthode dans notre dossier), l’étude aboutit aux conclusions suivantes :
Les suites à donner
L’étude objective un certain nombre de points grâce à l’application d’une méthodologie transparente et claire. Il s’agit d’une première étape importante dont il est primordial que tous les acteurs s’emparent dans une logique de solidarité et de développement.
Le CNM se propose de poursuivre et d’amplifier ces travaux en étroite concertation avec l’ensemble des acteurs et pour le bénéfice de l’ensemble de la filière musicale pour :
Le CNM a engagé une extension de l’observatoire de la diversité musicale produite et exposée, qui sera mise en œuvre au cours de l’année 2021 et qui permettra de progresser sur la mise à disposition de données aujourd’hui manquantes. Il propose en outre d’engager une réflexion prospective avec l’ensemble des acteurs de la filière sur les conditions soutenables de développement du streaming, sur la transparence des méthodes de recommandation et sur la lutte contre la fraude pour lesquelles il pourrait jouer le rôle de tiers de confiance.
[1] « User-centric settlement for music streaming », Clouds and Concerts, mars 2014.« Music Streaming in Denmark: An analysis of listening patterns and the consequences of a ‘per user’ settlement model based on streaming data from WiMP », Roskilde University, 2014. « Pro Rata and User Centric Distribution Models: A Comparative Study » Digital Media Finland, novembre 2017. Études internes non publiées : Deezer, Spotify, Sacem, Merlin
[2] NB : Cette exécution n’a pu être menée de façon homogène. Deezer a exécuté la méthodologie commune à partir d’un échantillon complet (année 2019 et exhaustivité des paramètres) et en respectant l’ensemble des périmètres définis. Spotify, pour sa part, dans un premier temps, a exécuté sa propre méthodologie, avec un périmètre incluant la totalité des utilisateurs payants (standard premium), ainsi que des axes et paramètres d’analyse différents. Néanmoins, pour pouvoir comparer les résultats avec ceux de Deezer, la méthodologie commune a été exécutée sur un échantillon aléatoire de 100 000 utilisateurs fourni par Spotify sur la consommation française du premier semestre 2019.