À l’occasion du Disquaire Day, organisé le 12 juin puis le 17 juillet 2021, le Centre national de la musique met en lumière l’événement, ses temps forts et ses acteurs.
Retrouvez le premier article de ce dossier, écrit par Pascal Bussy.
Pour la onzième année, la grande fête du vinyle vient jeter un coup de projecteur sur les disquaires indépendants, une profession de passionnés et d’activistes qui a traversé nombre de crises mais qui relève la tête au moment où la culture effectue sa grande rentrée. Pour cette édition qui se déclinera sur deux journées, le 12 juin et le 17 juillet, les vinyles rares et inédits abondent et les mélomanes pourront se rendre dans plus de 200 magasins, de Toulouse à Paris, de Lille à Clermont-Ferrand et de Saint-Pierre de La Réunion à Nancy pour y dénicher les galettes qu’ils auront sélectionnées.
En 2007, une poignée de disquaires indépendants aux États-Unis imaginaient un moyen de promouvoir leur activité. Une fois par an, un samedi de printemps, ils proposeront à leurs clients des vinyles inédits, éditions limitées exclusives et collectors : le Record Store Day est né. Non seulement le succès est immédiat, mais l’idée se propage tout autour du globe, de l’Europe au Japon en passant par le Mexique et l’Australie. En France, une toute jeune association, le CALIF – le Club action des labels et des disquaires indépendants, aujourd’hui absorbé dans le Centre national de la musique – s’empare de l’idée en 2011 en lui donnant un nom original, le Disquaire Day.
Cet événement qui profite aujourd’hui à toute la filière, labels indépendants comme majors, est aussi l’occasion de faire le point sur le rôle crucial de ces disquaires qui sont des passeurs et qui occupent sur tout le territoire un rôle culturel et social. Si leur situation reste parfois fragile, ils ont commencé à se fédérer, notamment grâce au syndicat GREDIN – le Groupement des disquaires indépendants nationaux – qui en représente plus de 80. Et puis, quelques mois après qu’ils aient été officiellement reconnus comme commerces essentiels – il était temps ! –, plusieurs chantiers les occupent, depuis la transition numérique jusqu’au développement des ventes en ligne en passant par les discussions sur l’harmonisation des prix avec leurs fournisseurs et l’accès au pass Culture.
Si le disque vinyle est aujourd’hui revenu sur le devant de l’actualité, c’est avant tout grâce aux disquaires indépendants qui ont conservé leurs bacs alors que les grandes surfaces spécialisées les abandonnaient à la fin des années 1980. C’est aussi grâce au CALIF qui a monté au début des années 2000 avec le ministère de la Culture un programme d’aide au loyer pour aider de nouveaux magasins à s’installer – plus de 120 en ont profité. C’est bien sûr grâce aux consommateurs, qui ont retrouvé le goût de l’objet face à la dématérialisation. Enfin, c’est grâce au Disquaire Day, qui a offert au vinyle sa journée annuelle, pour le plaisir des amateurs, des « diggers » et des collectionneurs.
Des disques…
Parmi les plus de trois cents références qui sortent le 12 juin et le 17 juillet, en voilà cinq à ne pas rater :
Aretha Franklin : Oh Me, Oh My/Live in Philly, 1972
Un concert plein de groove et de grâce de la reine de la soul, capturé
à Philadelphie à la grande époque et inédit en vinyle. Au fil des titres, on est frappé par l’aisance d’une voix qui puise son feeling aussi bien dans le rhythm’n’blues que dans le gospel. Une musique éternelle, pour le corps et l’esprit.
The Limiñanas – The World We Knew
Inédite sur disque, la bande originale du récent thriller fantastique de Matthew Benjamin Jones et Luke Skinner sorti l’année dernière. Composée essentiellement par l’ancien disquaire Lionel Limiñana, elle contient une reprise du morceau-titre popularisé par Frank Sinatra et un titre avec Pascal Comelade. Au menu : thèmes accrocheurs, clins d’œil
garage et esprit kitsch, guitares fuzz et rythmes hypnotiques.
Tom Moulton : Spring Event (The Fatback Band Mixes)
Attention, 500 copies seulement pour ce maxi 45 tours en vinyle rouge qui remet en lumière le travail de Tom Moulton, ce producteur américain qui fut l’inventeur du remix au cœur des années disco. Chacun sur une face, « Bus Stop » et « (Do The) Spanish Hustle » du groupe funk The Fatback Band comptent parmi ses réalisations les plus emblématiques. Un disque qui est aussi l’occasion de souligner la dette que le vinyle doit à la culture deejay…
Salah Ragab & the Cairo Jazz Band : Egypt Strut
Gravé en 1973, l’édition définitive, en double vinyle avec pochette originale, photos et notes de pochette inédites, d’un classique absolu signé par un percussionniste égyptien de légende à la tête de son orchestre. Au fil de quatorze morceaux luxuriants, un délicieux plongeon dans des chaloupes musicales chatoyantes, symboles d’une fusion jazz réussie entre l’Orient et l’Occident.
Barney Wilen : La note bleue (Limited Edition Deluxe Box Set)
Réédition luxueuse du disque de 1987 qui a relancé la carrière du saxophoniste français et qui a été conçu comme la B.O. de la bande dessinée que Loustal et Philippe Paringaux lui avaient consacré. Au-delà de la musique entre blues et swing classieux qui n’a pas pris une ride, ce splendide coffret comprend le 33 tours original remastérisé, la version anglaise de la BD, un livre format LP de 40 pages avec témoignages des intervenants, des textes critiques et des photos de Guy Le Querrec, plus un CD d’un concert inédit de Barney Wilen enregistré à Paris en 1989. Un modèle de disque objet.
Deux livres…
Les disquaires ont aussi leurs hagiographes ! Eux-mêmes collectionneurs et archivistes dans l’âme, ils connaissent sur le bout du doigt l’histoire de ces magasins et ils en décortiquent la légende, dans un mélange de petites sagas qui rejoignent souvent la grande histoire de la musique. Pour rentrer dans les coulisses de ces boutiques d’hier et d’aujourd’hui, deux ouvrages à lire absolument.
D’abord, le tout récent Disquaires, une histoire de Francis Dordor, un journaliste nourri de rock et qui fut l’un des premiers à s’intéresser aux musiques du monde. Sa curiosité insatiable anime sa plume lorsqu’il nous raconte la naissance et la vie de tous ces magasins mythiques de Londres, Liverpool, New York, Paris, Rennes ou Bordeaux. Sous-titré La passion du vinyle et préfacé par Laurent Chalumeau, c’est un must absolu qui est paru chez GM Éditions et qui est mis en vente le 12 juin, pile pour la première journée du Disquaire Day 2021.
Et puis, Le Paris des disquaires d’Hervé Devallan, sorti chez Jazz & Cie à l’occasion du Disquaire Day 2020, mais dont la distribution avait été freinée par l’épidémie de Covid-19. Guide pratique rempli d’anecdotes avec une préface de Christian Eudeline, il dresse le portrait de la centaine de disquaires de la capitale – neuf et occasion confondus –, et confirme que Paris est la grande ville du monde où il y a le plus de disquaires en activité, plus qu’à Tokyo, Londres ou New York !
Des événements…
Le 12 juin, la journée phare du Disquaire Day est l’occasion partout en France de multiples célébrations du vinyle, soirées et autres DJ sets. Retenons par exemple le Village du Disquaire Day et un concert au Groom avec After Geography et Midnight Cassette à Lyon, les mixes de DJ Sukram à Perpignan, la soirée à l’Espace Julien à Marseille avec Minimum Ensemble et Since Charles, et les Disquaire Day Drinks chez nombre de disquaires de Paris, Lille, Lyon et Toulouse.
Les renseignements complets – répertoire de tous les magasins participants, catalogue des références, listing complet des festivités, etc. – sont à retrouver sur le site disquaireday.fr.